UN LIEU REMPLI D'HISTOIRE

Le Mont-de-Piété de la ville d'Avignon, ruiné par la Révolution et la Loi du 4 Pluviôse an II prescrivant les dégagements gratis, se trouvait au début du XIXe siècle, dans une situation financière déplorable. Les administrateurs eurent alors l'idée ingénieuse d'établir une nouvelle institution publique qui répondrait, à la fois, à un besoin commercial et industriel local, ainsi qu'à la nécessité de trouver de nouvelles ressources pour assurer la continuité du prêt sur gage. C'est ainsi qu'avec le soutien actif de la municipalité de Guillaume Puy, ils instituèrent et mirent en place, le 22 frimaire an 10 (12 Décembre 1801), une Condition publique des soies, appelée à connaître un développement important.

 

Durant tout le XIXe siècle et jusqu'en 1928, la Condition des Soies d'Avignon toujours administrée par le Mont-de-Piété - à la différence des autres conditions françaises (Lyon, Saint-Etienne...) gérées par les Chambres de Commerce - assurera les diverses opérations de dessiccation et de titrage recherchées par les producteurs et les négociants locaux. Le Vaucluse et les régions environnantes étaient en effet d'importantes zones de production séricicole. Ces producteurs et négociants venaient à la Condition d'Avignon pour faire établir de manière indiscutable la qualité des soies, objet de négoce. Installée primitivement dans l'ancienne Chapelle du Mont-de-Piété, la Condition des Soies s'agrandira progressivement pour aboutir au grand bâtiment orné de deux belles façades, donnant l'une sur la rue de la Croix et l'autre sur la cour du Mont-de-Piété, rue Saluces.

 

 

Qu'est-ce que le conditionnement ?

La soie est une matière qui se charge très facilement d'humidité, jusqu'à 10 à 30% de son poids. De là est venue la nécessité de déterminer le poids réel, "marchand" ou "commercial" de la soie, c'est-à-dire le poids anhydre de la matière auquel on devait rajouter environ 10% d'humidité naturelle. Pour cela, on procédait à des opérations successives de dessiccation, c'est-à-dire de dessèchement, d'échantillons de soie prélevés dans les ballots. Les matteaux de soie (écheveaux liés entre eux) étaient posés alors dans un panier métallique perforé, lui-même suspendu sans contact, à l'intérieur de la banque de dessiccation par un crochet visible sur la partie supérieure de cette banque. Un courant d'air chaud était alors envoyé dans la banque. L'opérateur vérifiait la température atteinte grâce à un thermomètre. À l'issue de chaque opération les matteaux étaient à nouveau pesés pour mesurer la quantité d'eau perdue. Était alors déterminé le poids marchand de la soie, mesure effectuée dans les règles et sans contestation possible de la part du producteur ou du négociant. Ces banques de conditionnement étaient horizontales et permettaient de traiter plusieurs matteaux simultanément. Dans le courant du XIXe siècle, Léon Talabot mit au point un nouveau système de mesure et de circulation de l'air chaud, reposant sur les mêmes principes, système perfectionné par MM. Persoz et Rogeat. Les dessiccateurs cylindriques et verticaux visibles au Musée du Mont-de-Piété et de la Condition des Soies sont des modèles - incomplets, car le système de mesure a disparu - représentatifs de cette technique.

 

Les matériels

Le décor de ces différents appareils, ornés de façades en tôle émaillée, représente des scènes de sériciculture d'inspiration orientale. Tout porte à croire que ces décors étaient réalisés par le fabricant, certainement lyonnais. Cependant, le client pouvait exiger un décor spécifique à son établissement et à sa région d'origine. C'est ainsi qu'au Musée d'Art et d'Industrie de Saint-Etienne, on peut encore voir un panneau de dessiccateur Talabot-Persoz-Rogeat, orné de l'écusson de la Ville. Le Mont-de-Piété d'Avignon, administrateur de la Condition des Soies, commanda ainsi un (ou plusieurs) modèle de dessiccateur dont les quatre faces étaient ornées de représentations religieuses : Sainte Marthe, Saint Magne, Saint Urbain, ainsi que l'Ecce Homo très souvent figuré dans les bâtiments et documents de l'institution.